Adrian : l'inventeur du casque des Poilus (1859-1933)

Publié le par La Lorraine et ses grands soldats

Auguste Louis Adrian est né à Metz le 29 août 1859, au 26 en Vincentrue. Le 1er novembre 1878, il entre à l’Ecole Polytechnique, et en sort deux ans plus tard, classé 107e sur 235. Il intègre, comme sous-lieutenant élève, l’Ecole d’Application de Fontainebleau (4 octobre 1880), dont il sort 32e sur 40 le 1er octobre 1882, avec le grade de lieutenant en second. Un mois plus tard, il est affecté au 3e régiment du génie d’Arras. Passé lieutenant en premier le 24 octobre 1883, il suit les cours de l’Ecole régionale de tir de Châlons (1er novembre 1883-29 février 1884) puis remplit dans son régiment les fonctions d’officier de tir.

Le 12 février 1886, Adrian est promu capitaine de deuxième classe et affecté à l’état-major particulier du génie dans diverses places : Cherbourg (3 mars 1886), Saumur (à tire provisoire le 15 novembre, à titre définitif le 9 mai 1887), Rennes (22 octobre 1888) et à Saint-Malo (1er décembre 1891). Il est noté comme particulièrement apte au service du génie, et se fait remarquer à Saumur, où il supervise la construction d’une écurie de 1000 chevaux et du magasin à fourrages. Capitaine de 1ère classe le 23 novembre 1893, il conduit les travaux de défense de l’île Cézembre, au large de Saint-Malo, et effectue en mai-juin 1894 un stage au dépôt central de télégraphie et d’aérostation, où il réalise des études sur les applications industrielles de l’électricité et sur la télégraphie.

Le 12 mars 1895, il embarque  à Marseille avec le corps expéditionnaire de Madagascar. Il est chargé durant les opérations de construire des baraquements, des routes et des ponts. Mais, atteint d’une perforation d’un tympan à la suite d’une otite aiguë, il est rapatrié en France au mois de décembre et placé en convalescence. Le 21 mai 1896, il est affecté à l’état-major particulier du génie à Paris, et l’année suivante suit le cours spécial préparatoire pour l’admission dans l’Intendance. Nommé sous-intendant de 3e classe le 19 mars 1898, Adrian débute comme chef de service à Valenciennes. Trois ans plus tard, après être revenu à Paris, il est  muté à Vincennes (20 juillet 1901), où le 8 juillet 1904 il passe sous-intendant de 2e classe. Noté comme étant à la fois un excellent technicien et un excellent fonctionnaire, ses travaux sont remarqués, notamment une étude sur « Le suppléant du sous-intendant militaire », qui lui vaut les félicitations du ministre de la Guerre (1900). Il présente également des études sur l’alimentation de l’armée, et, prévoyant en cas de guerre une pénurie de fourrage, propose des succédanés comme radicelles, drèches, pulpes desséchées et mélasses, travail qui est cité au bulletin officiel du 11 octobre 1901 en même temps qu’une étude sur « L’écoulement du blé dans les greniers du système Huart ».


Le 24 décembre 1904, il est nommé à Arras. De juin à août 1906, il participe, comme mandataire de l’Etat, à une première expertise dans l’affaire de la reprise par l’Etat du matériel de la Compagnie des lits militaires. Il est à nouveau cité (25 juillet 1906) pour ses études sur les méthodes de vérification des comptes des corps de troupe et sur l’utilisation des ajoncs et des mélasses. Le 24 novembre 1906, il revient à Paris, à la division d’infanterie du 4e corps d’armée, d’où il est détaché le 31 décembre au ministère de la Guerre. Le 15 mars 1907, il est nommé  sous-directeur de l’Intendance militaire au ministère, où il est chargé, par le sous-secrétaire d’Etat Chéron, de plusieurs missions, en particulier la surveillance relative à la fourniture de viandes à l’armée : le succès de cette mission lui vaut d’être inscrit, le 15 avril 1908, au tableau d’avancement pour le grade d’intendant de première classe, grade qu’il obtient le 25 décembre 1908. Relevé de ses fonctions de sous-directeur le 25 septembre 1909, il est nommé à Nantes puis est détaché en mission à Paris (3 janvier 1910) pour suivre à nouveau, comme délégué du gouvernement, l’affaire des lits militaires relancée par un arrêt du Conseil d’Etat demandant une expertise complémentaire.  Le 9 mai 1910, en raison des problèmes de santé consécutifs aux  infirmités contractées à Madagascar, Adrian demande sa mise en non activité, qui lui est accordée le 19 juillet. Le 1er mai 1913, il est admis sur sa demande à la retraite, et classé dans le cadre auxiliaire de l’Intendance le 9 juillet. Parti au mois de juin  pour le Vénézuela, il cherche à substituer aux constructions démontables allemandes de la vallée de l’Orénoque des baraquements en bois pouvant être fabriqués sur place et résistant aux ouragans, travaux qui trouveront leur prolongement, durant la guerre, dans la construction des célèbres « baraques Adrian ».


Le 2 août 1914, il est mobilisé dans le cadre auxiliaire de l’Intendance, mais demande à être réintégré dans l’armée active. D’abord chargé de l’inspection du ravitaillement en Beauce, Perche, Sologne et Touraine, il est nommé le 20 août adjoint au directeur de l’Intendance au ministère de la Guerre (Habillement). Du 9 au 20 septembre, en mission à Lille pendant l’occupation allemande, il réussit à sauver plus de 2000 tonnes de laines et une quantité importante de draps et toiles. A partir du mois d’octobre, conscient que la guerre de position qui s’annonce va imposer aux hommes des protections et des équipements particuliers, Adrian organise la fabrication de chapes en peau de mouton (octobre), de bottes de tranchée (novembre) et de calottes métalliques (adoptées en février 1915) et présente un modèle de baraque démontable pour remplacer les tentes (dès novembre 1915, la pénurie de toile contraint à recourir au bois pour la construction d’abris de campement).

En avril 1915 naît le célèbre « casque Adrian » qui devient au bout de quelques mois l’élément essentiel de la tenue du poilu et en reste encore aujourd’hui le symbole. Utilisé pour la première fois lors de l’offensive de Champagne, il est reconnu que « la livraison rapide des casques a sauvé la vie à bien des militaires sur le front » (rapport du Contrôleur général Bossut). Son efficacité vaut à son inventeur d’être fait commandeur de la Légion d’honneur. Adrian propose également un modèle d’épaulières protectrices en acier, et une cuirasse abdominale que les essais montrent cependant plus contraignante qu’avantageuse : d’ajustage difficile, elle gêne la marche et rend difficile le tir au fusil et le lancement de la grenade : un nouveau modèle sera expérimenté et adopté en 1917.    

Le 17 mai 1916, Adrian est réintégré dans l’armée active comme sous-intendant de 1ère classe pour « services exceptionnels rendus pendant la guerre », et nommé à l’Inspection générale de l’habillement. Il poursuit inlassablement ses travaux, et met au point des lunettes pare-éclats et une cuirasse pour aviateurs. C’est alors qu’éclate le « rapport Laurent », qui jusqu’à la fin de sa carrière sera ressenti par Adrian comme une blessure. Le 20 juin 1916, l’Intendant Général Laurent, Inspecteur général de l’Habillement, dépose un rapport ayant comme point de départ la réclamation d’un fournisseur convaincu par l’Inspection du Travail d’avoir prélevé indûment des sommes considérables sur le salaire de ses ouvrières. Le rapport conclut à la suppression des services créés par Adrian et dirigés par lui. À sa demande, la Direction de l’Intendance confie au Contrôleur général Bossut une enquête, qui aboutit le 12 novembre à un second rapport ; sans remettre en cause les services rendus par Adrian, il formule à son encontre un certain nombre de critiques, mais surtout entraîne le démantèlement de son organisation : le  26 novembre, il est décidé que la 1ère section serait supprimée, que les baraques passeraient au génie, et les casques et cuirasses à une autre section. Un nouveau rapport, rédigé par le Contrôleur général Crétin (11 mai 1917), met l’accent sur des erreurs de gestion (ainsi n’y a-t-il pas eu d’appel à la concurrence pour la fabrication des baraquements). Ces mois d’enquête et de suspicion affectent profondément Adriant, qui le 1er mai 1917 écrit au sous-secrétaire d’Etat de l’Administration de la Guerre : « Pendant cette longue période, mes efforts et mon initiative ont été entravés ; les services que j’avais improvisés et qui fonctionnaient dans des conditions exceptionnelles de rapidité, de bonne exécution et d’économie ont été disloqués. Il en résulte pour tous l’impression d’une disgrâce profondément imméritée, où mon honorabilité se trouve engagée, et qui serait de nature à décourager ceux que ne rebutent pas la recherche du Progrès (sic) et l’acceptation consciente des responsabilités ».

Depuis le 14 février 1917, Adrian est à la Mission d’essais, vérifications et expériences techniques créée par le sous-secrétariat d’Etat des Inventions, fonction dans laquelle il est promu Intendant militaire le 26 juin. Il conçoit un siège tourelle blindé pour aviateur, et préconise l’emploi des algues pour remplacer l’avoine dans la nourriture des chevaux. Le 31 décembre, il est nommé Inspecteur général des cantonnements au sous-secrétariat d’Etat de l’Administration de la Guerre, mission instituée par Clémenceau pour une durée de trois mois, en vue de vérifier tant aux armées qu’à l’intérieur le fonctionnement des services chargés de pourvoir aux besoins des troupes dans leurs cantonnements. Sa mission achevée, Adrian est chargé par le gouvernement, au mois d’avril 1918, d’organiser le logement et l’installation des populations refoulées par l’avance allemande, mission pour l’exécution de laquelle il a la délégation permanente du ministre de la Guerre et du sous-secrétaire d’Etat de l’Administration.

Le 13 août 1918, ayant aux termes de la loi du 10 avril 1917 exercé ses fonctions au-delà de l’âge de 58 ans, il est placé au cadre de réserve par la commission prévue par la loi, au motif qu’il n’aurait pas « l’autorité morale nécessaire pour rester dans le cadre actif ». Estimant que son dossier n’a pas été examiné avec objectivité, en particulier que la commission se serait fondée sur le rapport Laurent de juin 1916, Adrian demande l’annulation du décret pour vice de forme. Il obtient gain de cause et se trouve réintégré par décret du 2 mars 1919. Réintégration momentanée, puisque, le 29 août 1919, il est placé définitivement dans la section de réserve, avec effet au 24 octobre. Le 2 février 1924, il demande à être promu au grade d’Intendant général, mais se voit refuser cette promotion, malgré l’appui du directeur de l’Intendance au ministère de la Guerre « tant en raison des services éminents rendus par ce haut fonctionnaire que de la notoriété qu’il s’est acquise par la création du casque et des baraques qui portent son nom ».

Il meurt à Joinville-le-Pont (Val-de-Marne) le 8 août 1933.  La ville de Metz donnera son nom à une rue de la ville (rue de l'Intendant Adrian) en 1947, rue supprimée en 1963 pour donner naissance à la rue Anne-Marie Steckler (harpiste, 1766-1824).

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